Je la regarde, mais elle ne me voit pas. C’est une de mes voisines d’en face.
Elle a des gestes sages et mesurés. Elle étale du linge d’enfant sur le fil d’un séchoir portatif. Le vent malmène les habits, mais elle n’en a cure. Soigneusement elle continue de secouer chaque chaussette, chaque petite culotte, chaque tee-shirt. Sans se presser, elle pose les pinces sur le linge. Son corps mature est contenu dans un sari violine bien ajusté. Ses cheveux noirs et lisses volètent en tous sens, et parfois elle ramène une mèche frivole échappée du foulard, lequel n’arrête pas de glisser sur ses épaules.
Pas une fois, elle ne montrera un geste d’impatience, elle continuera sa tâche jusqu’à ce que le panier de plastique soit vide. Alors seulement, elle rentrera. Elle essuiera ses pieds sur un paillasson et l’obscurité la dérobera à ma vue.
La dame d’en face, je sais peu de choses sur elle, je viens d’apprendre qu’elle est la propriétaire de ce triplex et qu’elle est aveugle de naissance. La dame d’en face ne me voit pas, ne me verra jamais. Quand je l’ai vue avec une canne blanche franchir le seuil de sa maison, j’ai eu peur pour elle à cause du marché en bas de chez nous et des ses multiples obstacles.
Brigitte Lécuyer
Elle a des gestes sages et mesurés. Elle étale du linge d’enfant sur le fil d’un séchoir portatif. Le vent malmène les habits, mais elle n’en a cure. Soigneusement elle continue de secouer chaque chaussette, chaque petite culotte, chaque tee-shirt. Sans se presser, elle pose les pinces sur le linge. Son corps mature est contenu dans un sari violine bien ajusté. Ses cheveux noirs et lisses volètent en tous sens, et parfois elle ramène une mèche frivole échappée du foulard, lequel n’arrête pas de glisser sur ses épaules.
Pas une fois, elle ne montrera un geste d’impatience, elle continuera sa tâche jusqu’à ce que le panier de plastique soit vide. Alors seulement, elle rentrera. Elle essuiera ses pieds sur un paillasson et l’obscurité la dérobera à ma vue.
La dame d’en face, je sais peu de choses sur elle, je viens d’apprendre qu’elle est la propriétaire de ce triplex et qu’elle est aveugle de naissance. La dame d’en face ne me voit pas, ne me verra jamais. Quand je l’ai vue avec une canne blanche franchir le seuil de sa maison, j’ai eu peur pour elle à cause du marché en bas de chez nous et des ses multiples obstacles.
Brigitte Lécuyer
2 commentaires:
Merci pour ce texte sensible Brigitte...
Très beau texte ouii, avec un regard d'écrivant rempli de respect, de pudeur, j'aurais aimé lire encore ;o))))
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