Tant de secrets demeurent,
Au creux de nos maisons
Je vais vous raconter.
L’histoire frileuse et banale,
De ces deux-là :
Lui, était bien plus âgé qu’elle,
Lui en faux lainage sûrement, mais fidèle.
Venait d’ailleurs,
D’un meublé de montagne.
Il avait déménagé
Pour un studio huppé sur la Méditerranée
On l’avait récupéré in extremis avant la vente,
Alors reconnaissant, il rendait service.
Cent fois, on l’avait lavé, pressé, essoré, étalé
Il en avait subi des outrages, vu des choses,
De ces choses qu’on n’ose avouer
Et qui se passent sous des couvertures, vous voyez ?
Il n’avait pas rétréci au lavage,
C’était déjà ça !
Il avait eu un frère jumeau, autrefois,
Un frérot qui s’en était allé, de voyage en voyage,
Pâlir et se décolorer sur la plage arrière d’une jolie Saxo
Il avait rejoint la côte et ses senteurs de lavande,
Mais il avait perdu l’éclat de sa jeunesse,
À force de soleil cru sur ses carreaux écossais.
Il avait servi à tout celui-là,
De nappe pour des pique-niques improvisés
De couchage pour des chiens velus
D’oreiller roulé en boule
Pour des périples longs, aux abords de Noël.
Son autre, son double, lui,
Dormait peinard dans le noir d’un placard,
Parfois, on le sortait encore pour
Suppléer une couette, entre deux saisons.
Il aimait sortir, voir du monde,
À défaut d’être indispensable
Il réchauffait des pieds frileux,
Jeté en vrac sur un canapé
Il devait juste déguerpir, laisser la place,
Quand débarquait un invité surprise
Il n’était plus si beau à voir.
On lui avait préféré l’autre,
Une mijaurée qui se vantait de venir
D’un grand magasin renommé
D’un rouge insolent, d’une douceur relative,
Et d’un tissu indéterminé.
On la disait polaire, comme si…
Comme si, d’être polaire pouvait réchauffer,
C’était saugrenu !
Elle affichait de grands airs, parce qu’elle venait de Paris,
Plutôt de Chine, c’était inscrit en tout petit sur son pedigree,
Trop voyante, l’étiquette comme le reste, on avait dû la couper !
Ils avaient cohabités l’un sur l’autre
En boudin, dans un recoin du salon
Mais on ne les prenait que séparément,
Et l’autre le vieil écossais,
Qui n’avait connu l’Ecosse que par oui dire,
Se morfondait, sans espoir d’emballer la belle.
Un jour, on l’avait carrément relégué à l’étage,
Trop mité, plus à la mode,
On préférait montrer ce qui était montrable,
Dans l’air du temps,
L’autre, l’écarlate,
L’écervelée qui ne couvrait les pieds qu’à moitié,
Avec ces bordures de faux bourdon,
Crocs blancs qui ne mordraient jamais personne.
Elle pouvait parader, se pavaner
Elle avait l’avantage d’être peu salissante,
De sécher en un temps éclair, la polaire !
Seules les chattes de la maisonnée,
Ne faisaient pas de différence,
Elles aimaient s’y pelotonner
Et du moment qu’on l’étalait,
C’était juste pour elles,
Pour qu’elles n’aillent pas barbouiller de leurs poils volages,
Le canapé immaculé.
Elles s’y lovaient en toute innocence
Sans rien connaître du passé.
Cette histoire est sans fin, je crains
Pas une fin en soi pour ces zigotos-là !
Brigitte lécuyer.
Au creux de nos maisons
Je vais vous raconter.
L’histoire frileuse et banale,
De ces deux-là :
Lui, était bien plus âgé qu’elle,
Lui en faux lainage sûrement, mais fidèle.
Venait d’ailleurs,
D’un meublé de montagne.
Il avait déménagé
Pour un studio huppé sur la Méditerranée
On l’avait récupéré in extremis avant la vente,
Alors reconnaissant, il rendait service.
Cent fois, on l’avait lavé, pressé, essoré, étalé
Il en avait subi des outrages, vu des choses,
De ces choses qu’on n’ose avouer
Et qui se passent sous des couvertures, vous voyez ?
Il n’avait pas rétréci au lavage,
C’était déjà ça !
Il avait eu un frère jumeau, autrefois,
Un frérot qui s’en était allé, de voyage en voyage,
Pâlir et se décolorer sur la plage arrière d’une jolie Saxo
Il avait rejoint la côte et ses senteurs de lavande,
Mais il avait perdu l’éclat de sa jeunesse,
À force de soleil cru sur ses carreaux écossais.
Il avait servi à tout celui-là,
De nappe pour des pique-niques improvisés
De couchage pour des chiens velus
D’oreiller roulé en boule
Pour des périples longs, aux abords de Noël.
Son autre, son double, lui,
Dormait peinard dans le noir d’un placard,
Parfois, on le sortait encore pour
Suppléer une couette, entre deux saisons.
Il aimait sortir, voir du monde,
À défaut d’être indispensable
Il réchauffait des pieds frileux,
Jeté en vrac sur un canapé
Il devait juste déguerpir, laisser la place,
Quand débarquait un invité surprise
Il n’était plus si beau à voir.
On lui avait préféré l’autre,
Une mijaurée qui se vantait de venir
D’un grand magasin renommé
D’un rouge insolent, d’une douceur relative,
Et d’un tissu indéterminé.
On la disait polaire, comme si…
Comme si, d’être polaire pouvait réchauffer,
C’était saugrenu !
Elle affichait de grands airs, parce qu’elle venait de Paris,
Plutôt de Chine, c’était inscrit en tout petit sur son pedigree,
Trop voyante, l’étiquette comme le reste, on avait dû la couper !
Ils avaient cohabités l’un sur l’autre
En boudin, dans un recoin du salon
Mais on ne les prenait que séparément,
Et l’autre le vieil écossais,
Qui n’avait connu l’Ecosse que par oui dire,
Se morfondait, sans espoir d’emballer la belle.
Un jour, on l’avait carrément relégué à l’étage,
Trop mité, plus à la mode,
On préférait montrer ce qui était montrable,
Dans l’air du temps,
L’autre, l’écarlate,
L’écervelée qui ne couvrait les pieds qu’à moitié,
Avec ces bordures de faux bourdon,
Crocs blancs qui ne mordraient jamais personne.
Elle pouvait parader, se pavaner
Elle avait l’avantage d’être peu salissante,
De sécher en un temps éclair, la polaire !
Seules les chattes de la maisonnée,
Ne faisaient pas de différence,
Elles aimaient s’y pelotonner
Et du moment qu’on l’étalait,
C’était juste pour elles,
Pour qu’elles n’aillent pas barbouiller de leurs poils volages,
Le canapé immaculé.
Elles s’y lovaient en toute innocence
Sans rien connaître du passé.
Cette histoire est sans fin, je crains
Pas une fin en soi pour ces zigotos-là !
Brigitte lécuyer.
3 commentaires:
Merci de nous offrir un texte qui réchauffe par ce froid qui frappe à la porte !
C'est toujours tellement agréable de te lire Brigitte, merci pour ce nouveau texte...
C'est super mignon, adorable, touchant. Ma polaire, moi, elle servait de couverture à ma petite dernière. Puis nous sommes partis aux Antilles et la polaire a suivi. parme tout doux au fond d'un carton. I y est resté, sage. De retour dans nos contrées froides, la polaire est ressortie de l'oubli. Mais la petite a grandi et une couette la réchauffe. Alors la polaire est devenu le lit de ma Milka adorée, mon toutou fidèle qui l'aime, sa polaire parme qui lui rappelle l'origine de son nom ;o)
Ce texte est très joli, touchant même, on en a presque un pincement au coeur pour ce pauvre vieux plaid... !
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