Sur
le tarmac recouvert d’une pellicule blanche, les avions, alignés les uns à côté
des autres, ne décolleront plus.
Le
visage au plus près de l’immense baie vitrée, un homme, émerveillé par le
spectacle, regarde la pluie étoilée glisser en portée, le vent en chef
d’orchestre.
Sous
les faisceaux des projecteurs les flocons virevoltent, légers, avant de
s’échouer avec délicatesse, dans le silence de la nuit.
La
neige a le pouvoir de rendre beau le plus laid des paysages.
À
quoi bon tempêter après les intempéries !
L’aéroport
offre une nuit d’hôtel à tous les naufragés du mauvais temps, dans l’attente
d’une amélioration.
Il
n’a plus qu’à suivre le mouvement de la foule qui se dirige vers la sortie et
vide peu à peu la salle d’embarquement.
Au
moment où il s’apprête à partir, il s’arrête net, saisi !
Là,
entre deux flocons, il l’aperçoit.
Même
après toutes ces années il reconnaîtrait, entre toutes, sa silhouette
longiligne, ses cheveux châtains bouclés, indisciplinés, comme jadis.
Il
est incapable de bouger et n’entend plus les appels provenant du haut-parleur.
Que
fait-elle sur la piste ?
Il
reconnaît bien son petit côté rebelle, à ne jamais suivre la ligne toute
tracée…
Tout
de même, de là à marcher au milieu des avions !
Comme
si elle l’a entendu, elle se retourne et lui adresse ce sourire qui l’émouvait
tant.
Paumes
contre la vitre, il tape avec force pour la retenir.
Mais
elle disparaît, entre deux flocons, en laissant les empreintes de ses pas sur
la neige fraîche.
Maintenant
le haut-parleur menace les retardataires et c’est le réveil qui le tire de son
sommeil.
Il
lui faut un moment avant de réaliser que ce n’était qu’un rêve.
À
son côté, sa femme dort toujours.
Il
se lève alors, troublé.
C’est
la première fois qu’elle vient lui rendre visite dans un rêve.
Pourquoi
cette nuit, après toutes ces années ?
Encore
secoué, il ouvre les volets qui donnent sur le jardin.
Le
spectacle de la neige, alors que rien ne laissait présager un changement de
temps, lui tire des larmes.
Et
soudain, au milieu des flocons que rien ne semble arrêter, un bonhomme de neige
trône, un sourire éclatant sous son nez orange.
Et
c’est son sourire à lui qui s’étire alors à n’en plus finir…
Texte © Marie-Laure Bigand
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