dimanche 4 janvier 2015

Temps ennemi




Un jour tu n’as plus été la même.
Tout semblait glisser sur toi.
Je ne te reconnaissais plus.
Tes yeux fixaient le vide, toute expression envolée.
Lorsque je relevais ton menton et cherchais ton regard, je saisissais parfois une petite lueur.
Mon cœur alors s’emballait.
J’étais prête à tout pour retrouver la femme vive, délicate, au doux sourire, que j’avais tant aimée.
Je voulais éloigner cette autre qui, peu à peu, te dévorait.
Mais plus le temps passait, plus tu t’enfonçais dans les ténèbres.
Ta mémoire se dissolvait.
Et moi, c’était mon cœur qui rétrécissait.
Je me demandais si du fond de ta nuit intérieure te parvenaient des bribes de ton existence passée.
À ton chevet, dans l’espoir que cette autre toi ne gagne pas trop vite, je te racontais l’histoire de ta vie.
Pour me souvenir de celle que tu avais été.
J’inversais les rôles… C’était toi l’enfant, moi la mère…

Marie-Laure Bigand

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