Texte de Brigitte JACQUES
À une
inconnue, porteuse de lumière
Les lumières de Noël
enchantaient déjà les rues et les vitrines.
Pourtant novembre
avait encore quelques jours devant lui.
Paris, en habit de
fête, ne savait plus où donner de la tête tant le monde qui s'y pressait
ajoutait à l'effervescence de la ville.
Ce soir-là, devant la
librairie Gibert, au carrefour de la rue St André des Arts et du boulevard St
Michel, un chanteur et ses compagnons de musique rassemblaient autour d'eux une
petite foule de passants et de touristes curieux.
Beaucoup de jeunes, en
bandes ou seuls, écoutaient, riaient, frappaient dans leurs mains en battant la
mesure.
Le froid un peu vif,
ne semblait atteindre personne.
Soudain, un homme
s’est avancé au milieu du cercle formé par les spectateurs.
Vêtements troués et
sales, piercing en plusieurs endroits du visage, regard peu amène, et un relent
d'alcool en guise de parfum, n’incitaient ni à la camaraderie ni au regard
bienveillant...
Seul au coin d'une
rue, il aurait fait peur.
Son regard passait de
l'un à l'autre, la musique continuait mais, durant un instant, le temps fut suspendu
à cet homme.
Il s’est alors dirigé
vers une jeune fille discrète, un peu en retrait, là par hasard.
Comiquement, il s’est incliné
devant elle et, dans un geste d'invitation à la danse, a tendu sa main vers la
sienne.
Surprise, déroutée,
elle eut quelques secondes
d’hésitation ou de réticence, puis posa
son sac au sol et suivit l'homme au son de l'orchestre qui lançait un rock.
L'assemblée, médusée
par sa gentillesse ou son audace, reprit le rythme autour d'eux, en frappant
dans les mains.
Avec entrain, le
couple se mit à danser.
Elle, jolie, soignée,
lumineuse ; lui, des pieds à la tête à l’opposé. Deux mondes que l'on n'imagine
ni ne conçoit ensemble, et pourtant, stupéfaction des hasards, leurs pas, leurs
mouvements se révélaient incroyablement accordés, harmonieux, esthétiques…
La jeune fille
tourbillonnait, riait, s’amusait,
souple et légère ; l’homme la lançait, la rattrapait, l'accompagnait sans
faux pas, sans faux gestes.
Tout à son bonheur, il
devenait danseur magnifique dans un halo de lumière.
Un frisson
indéfinissable traversa l'orchestre et la petite foule de plus en plus dense.
Quel spectacle !
Un tonnerre d’applaudissements
salua leurs derniers pas et les dernières envolées musicales.
Alors, elle lui prit
la main, lui sourit, le salua, avec
une révérence de marquise, et, comme on le ferait pour un chef d’orchestre ou l'acteur
principal au théâtre, elle le mit en avant, le présenta au public.
Pris au jeu, ils
saluèrent encore, ensemble.
Sur le visage de
l’homme, allumé de bonheur, l’émotion se lisait à nu.
Il était si fier et si
heureux qu’il en était transfiguré.
Elle s'éloigna, lui lâcha la main doucement et
retourna à sa place, en retrait.
La musique a repris,
le danseur disparut dans la foule.
Pas loin de là, un
homme âgé, qui avait observé toute la scène se sentait bouleversé.
Ses années de galères
lui remontaient à la mémoire.
Il se revoyait, jeune,
en marge, méprisé, seul, assis
exactement au même endroit, contraint de faire la manche.
Il se rappela aussi le
moment précis où une personne, un soir tard, s'était assise à ses côtés pour
lui parler, pour l'écouter.
Il se rappela le
regard de cette personne qui avait modifié tout le cours de sa vie, un regard
de gentillesse, puis de confiance.
Il revint dans le
présent, chercha le danseur, le trouva adossé au mur, revenu à l'anonymat.
Il se dirigea alors
vers lui et l'invita à prendre un verre...
Longtemps ils bavardèrent… on ne sait pas ce qu'ils
se dirent, mais la brasserie se souvient encore du bonheur sur leur visage
quand ils quittèrent les lieux, tard dans la nuit.
Sur le parvis de la
fontaine St Michel, il n'y avait plus personne, on n'entendait plus que le
bruit de l'eau.
Épilogue
Cette année-là, au cinquième
étage d'un grand magasin, personne ne sut qui était ce père Noël d'une infinie
gentillesse avec les enfants sages et mêmes les pas sages .!
Personne ne sut où le
directeur de ce grand magasin avait trouvé ce père Noël si joyeux.
La jeune fille, qui
avait accepté de lui donner la main ne sut jamais que, grâce à elle, une bonne
étoile arriverait dans la vie de son danseur...
L'étoile du berger
peut être...
Brigitte Jacques est l’auteur
de « Dis, est-ce que ça repousse les ailes », un livre qui, à ce jour, c’est vendu à plus de 20 000 exemplaires, uniquement par le bouche à
oreille.
2 commentaires:
Merci Brigitte pour cette si jolie histoire et qui prolonge joliment Noël :-)
Un beau conte de Noël ...
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