vendredi 20 janvier 2012

La danse de Noël


Texte de Brigitte JACQUES 

À une inconnue, porteuse de lumière

Les lumières de Noël enchantaient déjà les rues et les vitrines.
Pourtant novembre avait encore quelques jours devant lui.
Paris, en habit de fête, ne savait plus où donner de la tête tant le monde qui s'y pressait ajoutait à l'effervescence de la ville.

Ce soir-là, devant la librairie Gibert, au carrefour de la rue St André des Arts et du boulevard St Michel, un chanteur et ses compagnons de musique rassemblaient autour d'eux une petite foule de passants et de touristes curieux.
Beaucoup de jeunes, en bandes ou seuls, écoutaient, riaient, frappaient dans leurs mains en battant la mesure.
Le froid un peu vif, ne semblait atteindre personne.

Soudain, un homme s’est avancé au milieu du cercle formé par les spectateurs.
Vêtements troués et sales, piercing en plusieurs endroits du visage, regard peu amène, et un relent d'alcool en guise de parfum, n’incitaient ni à la camaraderie ni au regard bienveillant...
Seul au coin d'une rue, il aurait fait peur.

Son regard passait de l'un à l'autre, la musique continuait mais, durant un instant, le temps fut suspendu à cet homme.

Il s’est alors dirigé vers une jeune fille discrète, un peu en retrait, là par hasard.

Comiquement, il s’est incliné devant elle et, dans un geste d'invitation à la danse, a tendu sa main vers la sienne.

Surprise, déroutée, elle eut quelques secondes d’hésitation ou de réticence, puis posa son sac au sol et suivit l'homme au son de l'orchestre qui lançait un rock.

L'assemblée, médusée par sa gentillesse ou son audace, reprit le rythme autour d'eux, en frappant dans les mains.

Avec entrain, le couple se mit à danser.
Elle, jolie, soignée, lumineuse ; lui, des pieds à la tête à l’opposé. Deux mondes que l'on n'imagine ni ne conçoit ensemble, et pourtant, stupéfaction des hasards, leurs pas, leurs mouvements se révélaient incroyablement accordés, harmonieux, esthétiques…

La jeune fille tourbillonnait, riait, s’amusait, souple et légère ; l’homme la lançait, la rattrapait, l'accompagnait sans faux pas, sans faux gestes.
Tout à son bonheur, il devenait danseur magnifique dans un halo de lumière.

Un frisson indéfinissable traversa l'orchestre et la petite foule de plus en plus dense.

Quel spectacle !

Un tonnerre d’applaudissements salua leurs derniers pas et les dernières envolées musicales.

Alors, elle lui prit la main, lui sourit, le salua, avec une révérence de marquise, et, comme on le ferait pour un chef d’orchestre ou l'acteur principal au théâtre, elle le mit en avant, le présenta au public.
Pris au jeu, ils saluèrent encore, ensemble. 

Sur le visage de l’homme, allumé de bonheur, l’émotion se lisait à nu.
Il était si fier et si heureux qu’il en était transfiguré.

Elle s'éloigna, lui lâcha la main doucement et retourna à sa place, en retrait.

La musique a repris, le danseur disparut dans la foule.

Pas loin de là, un homme âgé, qui avait observé toute la scène se sentait bouleversé.
Ses années de galères lui remontaient à la mémoire.
Il se revoyait, jeune, en marge, méprisé, seul, assis exactement au même endroit, contraint de faire la manche.
Il se rappela aussi le moment précis où une personne, un soir tard, s'était assise à ses côtés pour lui parler, pour l'écouter.
Il se rappela le regard de cette personne qui avait modifié tout le cours de sa vie, un regard de gentillesse, puis de confiance.

Il revint dans le présent, chercha le danseur, le trouva adossé au mur, revenu à l'anonymat.
Il se dirigea alors vers lui et l'invita à prendre un verre...
Longtemps ils bavardèrent… on ne sait pas ce qu'ils se dirent, mais la brasserie se souvient encore du bonheur sur leur visage quand ils quittèrent les lieux, tard dans la nuit.
Sur le parvis de la fontaine St Michel, il n'y avait plus personne, on n'entendait plus que le bruit de l'eau.

Épilogue

Cette année-là, au cinquième étage d'un grand magasin, personne ne sut qui était ce père Noël d'une infinie gentillesse avec les enfants sages et mêmes les pas sages .!
Personne ne sut où le directeur de ce grand magasin avait trouvé ce père Noël si joyeux.

La jeune fille, qui avait accepté de lui donner la main ne sut jamais que, grâce à elle, une bonne étoile arriverait dans la vie de son danseur...

L'étoile du berger peut être...


Brigitte Jacques est l’auteur de « Dis, est-ce que ça repousse les ailes », un livre qui, à ce jour, c’est vendu à plus de 20 000 exemplaires, uniquement par le bouche à oreille.

2 commentaires:

Marie-Laure a dit…

Merci Brigitte pour cette si jolie histoire et qui prolonge joliment Noël :-)

Anonyme a dit…

Un beau conte de Noël ...