Elle a huit ans mais dans sa tête elle porte déjà les rides
d’une vie trop lourde.
Ce n’est pas une petite fille du soleil, elle ne croit plus
à la lumière depuis bien longtemps.
Pourtant elle ne demandait rien de particulier. Sa vie était
là, ses parents, son frère, sa petite sœur, ses amis à l’école.
Et puis un matin tout a basculé.
Les chiffres, les quotas, elle s’en fiche et ne comprend pas
vraiment pourquoi elle et les siens n’ont plus le droit de vivre comme avant.
Derrière le grillage qui la coupe du monde où elle se
croyait protégée, elle pleure en silence et accroche ses petites mains au
treillis, les yeux ronds d’incompréhension.
Quelques années auparavant, ses parents ont fui un pays en
guerre et ils ont assuré à leurs enfants que maintenant plus rien de grave ne
pourrait leur arriver.
Ici les gens sont civilisés, jamais ils ne renverraient des
familles vers l’enfer,
Jamais…
Et que va penser sa meilleure amie, Lucile, quand elle ne la
verra plus ?
Elle n’a même pas eu le temps de lui dire au revoir.
Bientôt le mot expulsion parvient à ses oreilles.
Elle ne connaît pas sa signification mais comprend au ton
grave de son père que ce mot-là est lourd de sens.
D’un sac où leurs affaires ont été mises pêle-mêle, elle
aperçoit soudain sa peluche sans laquelle elle ne peut pas s’endormir.
Le poids qui jusque-là écrasait son cœur s’envole d’un coup.
Si sa mère a pensé à prendre son doudou, alors rien ne grave
ne pourra leur arriver…
Texte © Marie-Laure Bigand
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