La vie qui passe

Ce matin, j’ai voulu refaire le chemin à l’envers, le chemin du passé. Le soleil était là, comme avant ; les immeubles n’ont pas bougé et la cafétéria est identique à mon souvenir. Mais, je me suis fait mal dans ce centre commercial où tout est différent. Les boutiques ont changé de noms, de marques, d’enseignes. En face du magasin où je travaillais, le manège pour enfants s’est transformé…Il a grandi comme les années envolées. Tout a évolué. Je me sens perdue par ce manque de familiarité. Le fait de revenir me consolait croyant que tout m’attendait. J’ai l’impression de mourir un peu. J’ai froid…J’ai peur tout d’un coup. Peur de me rendre compte que le temps a filé. Seize ans c’est énorme dans la vie des gens. Dans ma tête, je suis restée à l’âge de mes vingt ans. Ce flash-back au lieu de me soulager m’a brusquement projetée dans ma vie d’adulte confrontée au réel et au temps qui passe. Les souvenirs restent intacts mais pas l’impact des années qui se sauvent sur les choses de la vie. Je suis subitement devenue l’inconnue, l’étrangère dans ce centre commercial où autrefois, j’allais et venais comme chez moi. Je n’y ai plus d’amis, plus de repères, plus de fidèles. Même si la foule grouille comme avant... Oui comme avant…
La seule chose dont je suis sûre est qu’aujourd’hui j’ai vieilli et je dois accepter de regarder le présent, sans jamais oublier cette vie éteinte. Je m’arrête de penser à mes sombres pensées. Mon fils m’appelle…Le tour de manège est fini…Fini comme le temps qui s’échappe…
Dans quelques années, il viendra à son tour, refaire le chemin à l’envers…Le manège sera là, toujours à tourner et tourner encore. La foule grouillera et grouillera encore. Mais lui, sera seul face à ses années volées…

Laura Mare