Sur
la banquette face à la mienne, un homme, de profil, parle en continu.
Je
ne m’aperçois pas tout de suite qu’il palabre dans le vide.
Les
mêmes paroles, ressassées en boucle…
C’est
à la station suivante, une fois la rame dépeuplée, que je comprends qu’il s’adresse
à sa solitude.
Des
mots écorchés sortent de sa bouche,
Litanie
incessante où la cohérence n’a pas sa place !
Par
intervalles réguliers, il lève le bras droit comme s’il désirait une attention
que personne ne lui porte.
Tout
se répète en lui : les gestes, les mots, avec lenteur et lassitude.
L’homme,
couleur ébène, porte un pull militaire défraîchi.
De
quel pays vient-il ? De quel naufrage est-il ressuscité ?
Certains
passagers esquissent l’ombre d’un sourire, mais en réalité nul ne se moque ;
Cet
homme sent la brisure et c’est plutôt la pitié et la gêne qui flottent dans l’air.
Je
me demande quel est son parcours pour en être arrivé là.
Cette
errance que l’on croise un peu trop souvent…
Lorsqu’il
tourne son visage vers moi, je décide de le regarder droit dans les yeux, pour…
je ne sais pas en fait… peut-être juste lui tendre un sourire…
Mais
ses yeux n’ont plus l’énergie de capter quoi que ce soit,
Ils
semblent avoir perdu leurs étoiles depuis bien longtemps…
Texte © Marie-Laure Bigand (scène du métro)
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