lundi 21 mars 2016

L’homme du métro




Sur la banquette face à la mienne, un homme, de profil, parle en continu.
Je ne m’aperçois pas tout de suite qu’il palabre dans le vide.
Les mêmes paroles, ressassées en boucle…
C’est à la station suivante, une fois la rame dépeuplée, que je comprends qu’il s’adresse à sa solitude.
Des mots écorchés sortent de sa bouche,
Litanie incessante où la cohérence n’a pas sa place !
Par intervalles réguliers, il lève le bras droit comme s’il désirait une attention que personne ne lui porte.
Tout se répète en lui : les gestes, les mots, avec lenteur et lassitude.
L’homme, couleur ébène, porte un pull militaire défraîchi.
De quel pays vient-il ? De quel naufrage est-il ressuscité ?
Certains passagers esquissent l’ombre d’un sourire, mais en réalité nul ne se moque ;
Cet homme sent la brisure et c’est plutôt la pitié et la gêne qui flottent dans l’air.
Je me demande quel est son parcours pour en être arrivé là.
Cette errance que l’on croise un peu trop souvent…
Lorsqu’il tourne son visage vers moi, je décide de le regarder droit dans les yeux, pour… je ne sais pas en fait… peut-être juste lui tendre un sourire…
Mais ses yeux n’ont plus l’énergie de capter quoi que ce soit,
Ils semblent avoir perdu leurs étoiles depuis bien longtemps…

Texte © Marie-Laure Bigand (scène du métro)

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