dimanche 8 février 2015

Entre deux flocons…




Sur le tarmac recouvert d’une pellicule blanche, les avions, alignés les uns à côté des autres, ne décolleront plus.
Le visage au plus près de l’immense baie vitrée, un homme, émerveillé par le spectacle, regarde la pluie étoilée glisser en portée, le vent en chef d’orchestre.
Sous les faisceaux des projecteurs les flocons virevoltent, légers, avant de s’échouer avec délicatesse, dans le silence de la nuit.
La neige a le pouvoir de rendre beau le plus laid des paysages.
À quoi bon tempêter après les intempéries !
L’aéroport offre une nuit d’hôtel à tous les naufragés du mauvais temps, dans l’attente d’une amélioration.
Il n’a plus qu’à suivre le mouvement de la foule qui se dirige vers la sortie et vide peu à peu la salle d’embarquement.
Au moment où il s’apprête à partir, il s’arrête net, saisi !
Là, entre deux flocons, il l’aperçoit.
Même après toutes ces années il reconnaîtrait, entre toutes, sa silhouette longiligne, ses cheveux châtains bouclés, indisciplinés, comme jadis.
Il est incapable de bouger et n’entend plus les appels provenant du haut-parleur.
Que fait-elle sur la piste ?
Il reconnaît bien son petit côté rebelle, à ne jamais suivre la ligne toute tracée…
Tout de même, de là à marcher au milieu des avions !
Comme si elle l’a entendu, elle se retourne et lui adresse ce sourire qui l’émouvait tant.
Paumes contre la vitre, il tape avec force pour la retenir.
Mais elle disparaît, entre deux flocons, en laissant les empreintes de ses pas sur la neige fraîche.
Maintenant le haut-parleur menace les retardataires et c’est le réveil qui le tire de son sommeil.
Il lui faut un moment avant de réaliser que ce n’était qu’un rêve.
À son côté, sa femme dort toujours.
Il se lève alors, troublé.
C’est la première fois qu’elle vient lui rendre visite dans un rêve.
Pourquoi cette nuit, après toutes ces années ?
Encore secoué, il ouvre les volets qui donnent sur le jardin.
Le spectacle de la neige, alors que rien ne laissait présager un changement de temps, lui tire des larmes.
Et soudain, au milieu des flocons que rien ne semble arrêter, un bonhomme de neige trône, un sourire éclatant sous son nez orange.
Et c’est son sourire à lui qui s’étire alors à n’en plus finir…

Texte © Marie-Laure Bigand

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